9/2/2014
Le ministre plaide pour une reprise en main de la politique de change par les Etat européens. Selon lui, le niveau actuel de l’euro annihile les efforts de compétitivité lancés en France.
Quel regard portez-vous sur le niveau de l’euro?
Comme ministre de l’Industrie, je considère que l’euro est sorti de ses clous par une surévaluation qui est devenue problématique aux yeux de tous pour nos entreprises. Entre 2012 et 2013, il s’est apprécié de plus de 10 % face au dollar et de plus de 40 % face au yen. Le tout alors qu’entre le troisième trimestre 2012 et le troisième trimestre 2013, le taux de croissance cumulé était de 3,4 % aux Etats-Unis, 2,3 % au Japon et de – 0,2 % dans la zone euro ! Nous avons la zone la plus dépressive au monde et la monnaie qui s’apprécie le plus au monde. Cette situation est ubuesque.
Un euro fort n’est-il pas une bonne chose pour les importations ?
Mais notre priorité est d’abord d’exporter davantage car nous avons enregistré un déficit commercial exterieur de 61 milliards d’euros en 2013. L’euro pénalise l’industrie au lieu de la soutenir dans la grave crise de compétitivité que nous traversons. Tous les grands industriels européens dans l’aéronautique, dans l’agroalimentaire, dans les transports, et toutes les institutions économiques du FMI au Conseil d’analyse économique, lui-même placé auprès du Premier ministre, en passant par l’OCDE, défendent des politiques nouvelles et « non conventionnelles » visant à enfin faire baisser le niveau de l’euro. Pourquoi devrions-nous continuer à nous mettre la tête dans le sable ?
Qu’entendez-vous faire concrètement ?
Nous devons ouvrir une bataille politique pour faire baisser l’euro. L’euro doit être au service de notre économie et de notre industrie. Il ne s’agit pas de le dévaluer mais de le ramener à un niveau raisonnable et supportable. D’après la direction du Trésor, une dépréciation de 10 % permettrait d’accroître notre taux de croissance de 1,2 %. Cela créerait 150.000 emplois, améliorerait la balance commerciale et réduirait notre déficit public de 12 milliards. La Banque centrale européenne (BCE) ne peut guère plus jouer sur les taux d’intérêt puisque nous avons déjà des taux d’intérêt presque égaux à zéro, et malgré cela, elle n’a pas pu faire respecter son mandat d’une inflation à au moins 2 % puisque nous sommes en déflation, situation à nouveau dangereuse. L’euro est désormais une question dont le politique doit se saisir afin d’imaginer d’autres politiques moins conventionnelles comme le suggère le FMI.
Paris sera-t-il soutenu ?
La France est loin d’être seule. L’euro est une copropriété indivise des Etats membres. Nous avons à mener la bataille politique contre les tenants, peu nombreux, de l’euro trop cher. Nos efforts historiques de baisse du coût du travail sur le CICE en France sont en ce moment dévorés par les 10 % d’appréciation de l’euro. Ce n’est pas la peine qu’on s’ingénie à faire des sacrifices si la politique monétaire détruit ceux-ci.
Mais pour l’instant il ne se passe rien…
La Banque centrale européenne arrive au bout de ses possibilités d’agir selon la conception actuelle de son mandat. Il faut désormais sortir du conservatisme et du conformisme et mettre ce sujet au cœur de la campagne des élections européennes. Si nous ne réformons pas l’euro de façon urgente, les populations européennes pourront malheureusement être bientôt tentées de s’en débarrasser.
Ne craignez-vous pas de déclencher une guerre des changes?
Mais elle existe déjà cette guerre ! Nous en sommes les victimes et nous sommes les seuls à ne pas réagir !
Pacte: « La contrepartie devrait être la création de 1,65 million d’emplois»
L’investissement industriel est en panne en France. Comment y remédier ?
Avec le pacte de responsabilité, la prolongation du CICE, nous sommes en train d’organiser la restauration des marges des entreprises pour précisément les amener à investir. La France est en retard sur la robotisation. Nous avons 100.000 robots de retard sur l’Allemagne et 50.000 sur l’Italie. Mes 34 plans industriels ont notamment pour but de créer de l’emploi en robotisant, afin d’améliorer la performance de l’outil de travail.
Sur le pacte de responsabilité, faut-il demander des contreparties aux entreprises ?
Je rencontre des patrons de PME qui se disent capables de prendre des engagements d’embauches. Il y a un désir du terrain de contreparties qui est beaucoup plus fort que ce qu’en dit la direction du Medef qui en fait une affaire trop politique, pour ne pas dire politicienne.
Que demandez-vous aux entreprises?
Ce point est encore en discussion, cependant j’observe que ces cinq prochaines années, si la conjoncture est celle que nous prévoyons, la France créera environ 1 million d’emplois. Dans le même temps, nous aurons aussi 650.000 nouveaux arrivants sur le marché du travail. Du coup, le chômage ne baissera que d’un point. Pour moi, l’objectif en termes de contreparties serait au minimum la création de 1,65 million d’emplois de manière à ce que l’effort des entreprises puisse contribuer à une baisse de 2 à 3 points du chômage. Les entreprises sont capables de s’engager, elles sont prêtes à le faire.
Y aura-t-il des sanctions si l’engagement n’est pas tenu?
La sanction, ce sera le regard de la nation dans toutes ses composantes, y compris les salariés dans l’entreprise auxquels des promesses auront été faites. Et c’est déjà pas mal. Il faudra aussi faire face à l’opinion publique si les engagements pris ne sont pas tenus.
Avez-vous le sentiment que la France va trop loin en matière de concurrence ?
Les producteurs ont besoin de marges pour vivre et investir. Dans certains secteurs, il faut bien sûr s’en prendre aux rentes et aux ententes mais lorsque la concurrence du low cost va trop loin, elle se termine en chemin de croix. Pour préserver l’emploi, il faut absolument limiter la concurrence excessive. Il faut une politique d’équilibre, de réconciliation entre le consommateur et les producteurs. C’est cela l’intérêt général. C’est aux politiques de définir le bon niveau de concurrence. Pas aux autorités dites indépendantes. Ces autorités ont trop souvent une vision purement consumériste et juridique et ne défendent pas suffisamment l’industrie et l’emploi en France. A cet égard, j’estime par exemple que l’Arcep a des pouvoirs excessifs et a oublié l’emploi, l’industrie et le made in France, et a provoqué une descente aux enfers du low cost.
«Les querelles au sein de la famille Peugeot ne peuvent plus avoir droit de cité»
Que l’Etat pousse Peugeot à s’allier Dongfeng, n’est-ce pas brader un actif industriel ?
Le rôle de l’Etat, c’est de remettre de l’ordre et de la sécurité dans le désordre et le danger économique. On pousse pour relancer l’investissement dans des secteurs abandonnés et on organise le rebond de PSA. Dans cette affaire, l’Etat prend sa part de responsabilité qui n’est pas excessive mais qui est décisive. Pour des raisons liées à son actionnariat familial, PSA s’est isolé et s’est retrouvé sans allié dans le monde. PSA est resté trop petit. Et PSA est du coup en danger. Le projet c’est de nouer une alliance d’égal à égal avec un constructeur chinois de même taille et très complémentaire. Cette alliance peut donner naissance à un géant mondial et contribuer ainsi à un réveil industriel de PSA dont les centres de décisions, de R&D et de production resteront chez nous.
Certains actionnaires minoritaires de PSA exigent une OPA dans le cadre du rapprochement avec Dongfeng. Que leur répondez-vous?
Cette agitation est déplacée. Dans ce dossier, il s’agit d’organiser la protection des intérêts industriels de PSA qui n’est pas seulement une entreprise familiale, mais appartient aussi en quelque sorte au patrimoine et à l’imaginaire de la nation. Nous respecterons scrupuleusement la loi et l’AMF sera consultée. Mais les querelles indécentes au sein de la famille Peugeot ne peuvent plus avoir droit de cité tant l’enjeu du rebond de PSA est considérable.
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