21/12/2013
La fronde contre Angela Merkel n'a jamais été aussi large au Conseil européen. Pour son retour à Bruxelles après la mise en place de sa grande coalition avec les sociaux-démocrates, la chancelière allemande a passé une très mauvaise soirée, jeudi 19 décembre.
D'après les conversations reconstituées par Le Monde sur la base de notes internes, la plupart des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne se sont ligués contre le projet qu'elle défend pour tirer les leçons de la crise des dettes souveraines : la signature de contrats contraignants entre chaque capitale et la Commission européenne afin d'encadrer les réformes, en échange, le cas échéant d'une incitation financière.
« Nous avons besoin de plus de pression sur les réformes structurelles pour que chacun s'engage, commence Herman van Rompuy, le président du Conseil européen, je sais que c'est difficile ». D'entrée, même les alliés traditionnels de l'Allemagne prennent leurs distances avec la proposition d'Angela Merkel. « Toute règle contraignante doit respecter les Parlements », lance l'Autrichien Werner Faymann, en mettant en avant la « souveraineté » des Etats. « Il n'y a pas d'abandon de souveraineté, réplique un peu plus tard la chancelière. Les arrangements contractuels sont négociés par vous, avec votre Parlement ». « Nos journaux aussi parlent de diktats », tente-t-elle de rassurer à propos des recommandations préparées par Bruxelles.
« BEAUCOUP DE RÉFORMES ONT ÉTÉ FAITES SANS SOLIDARITÉ »
Mark Rutte, le premier ministre néerlandais, se dit « convaincu que ces contrats ne vont pas aider ». Il se méfie des aides imaginées à Berlin pour encourager les réformes. Aux Pays-Bas, « beaucoup de réformes ont été faites sans solidarité et maintenant nous devons payer pour ceux qui n'ont pas réformé », s'étonne le dirigeant libéral, en parlant de « lignes rouges » au sujet d'éventuelles incitations financières. « Ce n'est pas qu'une question d'argent, il s'agit de la légitimité de l'intégration européenne, renchérit le Finlandais Jyrki Katainen. Les plans de sauvetage ont alimenté le populisme. C'est un cancer. »
Pour les pays du Sud, c'est Mariano Rajoy, le chef de l'exécutif espagnol, qui mène la charge. « Beaucoup d'entre nous font des réformes », dit ce conservateur. Les contrats doivent être « volontaires », insiste-t-il. « Si vous ne faites pas les réformes, vous perdez la souveraineté nationale », intervient Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, l'un des rares, avec José Manuel Barroso, à soutenir la chancelière.
Face à l'insistance de Mariano Rajoy pour éliminer toute contrainte, Angela Merkel lâche : « Tôt ou tard, la monnaie explosera, sans la cohésion nécessaire (…) Si ce texte n'est pas acceptable pour l'Espagne, laissons tomber, cela reviendra dans dix ans. » « Si tout le monde se comporte comme on pouvait le faire sous le communisme, alors nous sommes perdus », assène la chancelière quand le dirigeant maltais oppose ses fortes réserves.
Pas convaincu non plus, François Hollande reste plutôt discret. Il évite de parler de la « capacité financière » que la France propose de négocier en échange de tels contrats. « Il y a ceux qui ne veulent pas plus de discipline et craignent que ce soit contraignant. Et d'autres qui ne veulent pas payer, résume le président français. Mettons-nous d'accord sur les principes et décidons des détails après les élections européennes de mai 2014. » Elio di Rupo, le premier ministre belge, est sur la même ligne : « Les élections européennes approchent, ne présentons pas l'Europe comme un gros bâton. Et ne me dites pas chaque année d'abandonner mon indexation. »
« CELA VA DÉRAILLER À UN MOMENT »
Face à tant de résistance, Angela Merkel s'impatiente. « J'ai grandi dans un Etat qui a eu la chance d'avoir l'Allemagne de l'Ouest pour le tirer d'affaire. Mais personne ne fera cela pour l'Europe », assène-elle, avant de faire référence au pire moment de la crise de l'Union monétaire : « Nous avons alors discuté de savoir si la Grèce aurait dû sortir de la zone euro et je crois que si cela était arrivé, nous aurions tous dû la quitter dans un second temps ». « Cela va dérailler à un moment », dit-elle.
Angela Merkel raconte avoir lu le livre The Sleepwalkers (Les Somnambules, Flammarion), de Christopher Clark, sur l'entrée en guerre à l'été 1914 : « Ils ont tous échoué et cela a mené à la première guerre mondiale », observe-t-elle, avant de changer de registre : « La vie n'est pas juste : si vous avez trop mangé et trop grossi, mais que d'autres personnes sont toujours minces, je vous aiderai à payer le docteur. Ce n'est pas un diktat, aider ceux qui ne peuvent pas s'aider seul demande notre compréhension ». Pour elle, mieux vaut payer 3 milliards d'euros maintenant pour encourager les changements que devoir faire un sauvetage à 10 milliards dans quelques années.
Mais rien n'y fait. Angela Merkel propose alors de trancher en décembre 2014 : « Je ne veux pas que quelqu'un me dise qu'il a perdu les élections » à cause des contrats. Décembre 2014 ? « Je ne serai plus là », dit M. Barroso. « Ca ne fait rien ! », lâche la chancelière. « Je ne mourrai pas pour les contrats, conclut Herman Van Rompuy, mais je veux achever le travail avant de quitter mon poste » en novembre 2014. Il est alors convenu de reporter les décisions de juin à octobre 2014.
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